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VOYAGE EN ORIENT.

une arcade par où l’on descend au fleuve pour se rendre à l’île de Roddah.

Le bras du Nil semble en cet endroit une petite rivière qui coule parmi les kiosques et les jardins. Des roseaux touffus bordent la rive, et la tradition indique ce point comme étant celui où la fille du pharaon trouva le berceau de Moïse. En se tournant vers le sud, on aperçoit à droite le port du vieux Caire, à gauche les bâtiments du Mekkios ou Nilomètre, entremêlés de minarets et de coupoles » qui forment la pointe de l’île.

Cette dernière n’est pas seulement une délicieuse résidence princière, elle est devenue aussi, grâce aux soins d’Ibrahim, le Jardin des plantes du Caire. On peut penser que c’est justement l’inverse du nôtre ; au lieu de concentrer la chaleur par des serres, il faudrait créer là des pluies, des froids et des brouillards artificiels pour conserver les plantes de notre Europe. Le fait est que, de tous nos arbres, on n’a pu élever encore qu’un pauvre petit chêne, qui ne donne pas même de glands. Ibrahim a été plus heureux dans la culture des plantes de l’Inde. C’est une tout autre végétation que celle de l’Égypte, et qui se montre frileuse déjà dans cette latitude. Nous nous promenânes avec ravissement sous l’ombrage des tamarins et des baobabs ; des cocotiers à la tige élancée secouaient çà et là leur feuillage découpé comme la fougère ; mais, à travers mille végétations étranges, j’ai distingué, comme infiniment gracieuses, des allées de bambous formant rideau comme nos peupliers ; une petite rivière serpentait parmi les gazons, où des paons et des flamants roses brillaient au milieu d’une foule d’oiseaux privés. De temps en temps, nous nous reposions à l’ombre d’une espèce de saule pleureur, dont le tronc élevé, droit comme un mât, répand autour de lui des nappes de feuillage fort épaisses ; on croit être ainsi dans une tente de soie verte, inondée d’une douce lumière.

Nous nous arrachâmes avec peine à cet horizon magique, à cette fraîcheur, à ces senteurs pénétrantes d’une autre partie