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LES FEMMES DU CAIRE.

comprit enfin qu’on l’avait mal renseigné. Il s’informa dans la maison, et apprit que l’Américain demeurait un peu plus loin. Il me salua en riant de sa méprise, et me promit de venir me voir en repassant, enchanté qu’il était d’avoir fait ma connaissance, grâce à ce hasard singulier.

Quand il revint, l’esclave était dans la chambre, et je lui appris son histoire.

— Comment, me dit-il, vous êtes-vous mis ce poids sur la conscience !… Vous avez dérangé la vie de cette femme, et désormais vous êtes responsable de tout ce qui peut lui arriver. Puisque vous ne pouvez l’emmener en France et que vous ne voulez pas sans doute l’épouser, que deviendra-t-elle ?

— Je lui donnerai la liberté ; c’est le bien le plus grand que puisse réclamer une créature raisonnable.

— Il valait mieux la laisser où elle était ; elle aurait peut-être trouvé un bon maître, un mari… Maintenant, savez-vous dans quel abîme d’inconduite elle peut tomber, une fois laissée à elle-même ? Elle ne sait rien faire, elle ne veut pas servir… Pensez donc à tout cela.

Je n’y avais jamais, en effet, songé sérieusement. Je demandai conseil au père Planchet, qui me dit :

— Il n’est pas impossible que je lui trouve une condition et un avenir. Il y a, ajouta-t-il, des dames très-pieuses dans la ville qui se chargeraient de son sort.

Je le prévins de l’extrême dévotion qu’elle avait pour la foi musulmane. Il secoua la tête et se mit à lui parler très-longtemps.

Au fond, cette femme avait le sentiment religieux développé plutôt par nature et d’une manière générale que dans le sens d’une croyance spéciale. De plus, l’aspect des populations maronites parmi lesquelles nous vivions, et des couvents dont on entendait sonner les cloches dans la montagne, le passage fréquent des émirs chrétiens et druses, qui venaient à Beyrouth, magnifiquement montés et pourvus d’armes brillantes, avec des suites nombreuses de cavaliers et des noirs portant derrière