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DRUSES ET MARONITES.

ger, afin qu’ensuite nos frères vinssent ici nous venger sur vous !

Le vieillard était resté debout pendant cette explication. Le cheik, chez lequel nous étions, parut frappé de ses paroles, et lui dit :

— Te crois-tu prisonnier ici ? Nous fûmes amis autrefois, pourquoi ne t’assieds-tu pas avec nous ?

— Parce que tu es dans ma maison, dit le vieillard.

— Allons, dit le cheik chrétien, oublions tout cela. Prends place sur ce divan ; on va t’apporter du café et une pipe.

— Ne sais-tu pas, dit le vieillard, qu’un Druse n’accepte jamais rien chez les Turcs ni chez leurs amis, de peur que ce ne soit le produit des exactions et des impôts injustes ?

— Un ami des Turcs ? Je ne le suis pas !

— N’ont-ils pas fait de toi un cheik, tandis que c’est moi qui l’étais dans le village du temps d’Ibrahim, et alors ta race et la mienne vivaient en paix ? N’est-ce pas toi aussi qui es allé te plaindre au pacha pour une affaire de tapageurs, une maison brûlée, une querelle de bons voisins, que nous aurions vidée facilement entre nous ?

Le cheik secoua la tête sans répondre ; mais le prince coupa court à l’explication, et sortit de la maison en tenant le Druse par la main.

— Tu prendras bien le café avec moi qui n’ai rien accepté des Turcs ? lui dit-il.

Et il ordonna à son cafedji de lui en servir sous les arbres.

— J’étais un ami de ton père, dit le vieillard, et, dans ce temps-là, Druses et Maronites vivaient en paix.

Et ils se mirent à causer longtemps de l’époque où les deux peuples étaient réunis sous le gouvernement de la famille Schehab, et n’étaient pas abandonnés à l’arbitraire des vainqueurs.

Il fut convenu que le prince remmènerait tout son monde, que les Druses reviendraient dans le village sans appeler des secours éloignés, et que l’on considérerait le dégât qui venait