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DRUSES ET MARONITES.

Aïssé ! (Jésus !)

Et sur la seconde :

Myriam ! (Marie !)

Je rapprochai, en souriant, le livre ouvert de ses lèvres ; mais elle recula avec effroi en s’écriant :

Mafisch !

— Pourquoi recules-tu ? lui dis-je ; n’honorez-vous pas, dans votre religion, Aïssé comme un prophète, et Myriam comme l’une des trois femmes saintes ?

— Oui, dit-elle ; mais il a été écrit : « Tu n’adoreras pas les images. »

— Vous voyez, dis-je à madame Carlès, que la conversion n’est pas bien avancée.

— Attendez, attendez, me dit madame Carlès.


III — L’AKKALÉ


Je me levai en proie à une grande irrésolution. Je me comparais tout à l’heure à un père, et il est vrai que j’éprouvais un sentiment d’une nature pour ainsi dire familiale à l’égard de cette pauvre fille, qui n’avait que moi pour appui. Voilà certainement le seul beau côté de l’esclavage tel qu’il est compris en Orient. L’idée de la possession, qui attache si fort aux objets matériels et aussi aux animaux, aurait-elle sur l’esprit une influence moins noble et moins vive en se portant sur des créatures pareilles à nous ? Je ne voudrais pas appliquer cette idée aux malheureux esclaves noirs des pays chrétiens, et je parle ici seulement des esclaves que possèdent les musulmans, et de qui la position est réglée par la religion et par les mœurs.

Je pris la main de la pauvre Zeynab, et je la regardai avec tant d’attendrissement, que madame Carlès se trompa sans doute à ce témoignage.

— Voilà, dit-elle, ce que je lui fais comprendre : vois-tu bien, ma fille, si tu veux devenir chrétienne, ton maître l’épousera peut-être et il t’emmènera dans son pays.