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DRUSES ET MARONITES.

débarquèrent aussi, ne pouvant plus supporter la mer et ayant résolu de continuer par terre leur pèlerinage.

Nous longeons dans un caïque les arches du pont maritime qui joint à la ville le fort bâti sur un îlot ; nous passons au milieu des frêles tartanes qui seules trouvent assez de fond pour s’abriter dans le port, et nous abordons à une ancienne jetée dont les pierres énormes sont en partie semées dans les flots. La vague écume sur ces débris, et l’on ne peut débarquer à pied sec qu’en se faisant porter par des hamals presque nus. Notts rions un peu de l’embarras des deux Anglaises, compagnes du missionnaire, qui se tordent dans les bras de ces tritons cuivrés, aussi blondes, mais plus vêtues que les néréides du Triomphe de Galatée. Le corbeau commensal du pauvre ménage grec, bat des ailes et pousse des cris ; une tourbe de jeunes drôles, qui se sont fait des machlahs rayés avec des sacs en poil de chameau, se précipitent sur les bagages ; quelques-uns se proposent comme cicerones en hurlant deux ou trois mots français. L’œil se repose avec plaisir sur des bateaux chargés d’oranges, de figues et d’énormes raisins de la terre promise ; plus loin, une odeur pénétrante d’épiceries, de salaisons et de fritures signale le voisinage des boutiques. En effet, on passe entre les bâtiments de la marine et ceux de la douane, et l’on se trouve dans une rue bordée d’étalages qui aboutit à la porte du khan français. Nous voilà sur nos terres. Le drapeau tricolore flotte sur l’édifice, qui est le plus considérable de Saïda. La vaste cour carrée, ombragée d’acacias avec un bassin au centre, est entourée de deux rangées de galeries qui correspondent en bas à des magasins, en haut à des chambres occupées par des négociants. On m’indique le logement consulaire situé dans l’angle gauche, et, pendant que j’y monte, le Marseillais se rend avec le pope au couvent des franciscains, qui occupe le bâtiment du fond. C’est une ville que ce khan français, nous n’en avons pas de plus important dans toute la Syrie. Malheureusement, notre commerce n’est plus en rapport avec les proportions de son comptoir.