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VOYAGE EN ORIENT.

Je causais tranquillement avec M. Conti, notre vice-consul, lorsque le Marseillais nous arriva tout animé, se plaignant des franciscains et les accablant d’épithètes voltairiennes. Ils avaient refusé de recevoir le pope et sa femme.

— C’est, dit M. Conti, qu’ils ne logent personne qui ne leur ait été adressé avec une lettre de recommandation.

— Eh bien, c’est fort commode, dit le Marseillais ; mais je les connais tous, les moines, ce sont là leurs manières ; quand ils voient de pauvres diables, ils ont toujours la même chose à dire. Les gens à leur aise donnent huit piastres (deux francs) par jour dans chaque couvent ; on ne les taxe pas, mais c’est le prix, et avec cela ils sont sûrs d’être bien accueillis partout.

— Mais on recommande aussi de pauvres pèlerins, dit M. Conti, et les pères les accueillent gratuitement.

— Sans doute, et puis, au bout de trois jours, on les met à la porte, dit le Marseillais. Et combien en reçoivent-ils, de ces pauvres-là, par année ? Vous savez bien qu’en France on n’accorde de passe-port pour l’Orient qu’aux gens qui prouvent qu’ils ont de quoi faire le voyage.

— Ceci est très-exact, dis-je à M. Conti, et rentre dans les maximes d’égalité applicables à tous les Français… quand ils ont de l’argent dans leur poche.

— Vous savez sans doute, répondit-il, que, d’après les capitulations avec la Porte, les consuls sont forcés de rapatrier ceux de leurs nationaux qui manqueraient de ressources pour retourner en Europe. C’est une grosse dépense pour l’État.

— Ainsi, dis-je, plus de croisades volontaires, plus de pèlerinages possibles, et nous avons une religion d’État !

— Tout cela, s’écria le Marseillais, ne nous donne pas un logement pour ces braves gens.

— Je les recommanderais bien, dit M. Conti ; mais vous comprenez que, dans tous les cas, un couvent catholique ne peut pas recevoir un prêtre grec avec sa femme. Il y a ici un couvent grec où ils peuvent aller.

— Eh ! que voulez-vous ! dit le Marseillais, c’est encore une