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VOYAGE EN ORIENT.

— Un wékil ?

— Ouï, cela veut dire envoyé, ambassadeur ; mais, dans le cas présent, c’est un honnête homme chargé de s’entendre avec les parents des filles à marier. Il vous en amènera, ou vous conduira chez elles.

— Oh ! oh ! mais quelles sont donc ces filles-là ?

— Ce sont des personnes très-honnêtes, et il n’y en a que de celles-là au Caire, depuis que Son Altesse a relégué les autres à Esné, un peu au-dessous de la première cataracte.

— Je veux le croire. Eh bien, nous verrons ; amenez-moi ce wékil.

— Je l’ai amené ; il est en bas.

Le wékil était un aveugle, que son fils, homme grand et robuste, guidait de l’air le plus modeste. Nous montons à âne tous les quatre, et je riais beaucoup intérieurement en comparant l’aveugle à l’Amour, et son fils au dieu de l’hyménée. Le juif, insoucieux de ces emblèmes mythologiques, m’instruisait chemin faisant.

— Vous pouvez, me disait-il, vous marier ici de quatre manières. La première, c’est d’épouser une fille cophte devant le Turc.

— Qu’est-ce que le Turc ?

— C’est un brave santon à qui vous donnez quelque argent, qui dit une prière, vous assiste devant le cadi, et remplit les fonctions d’un prêtre : ces hommes-là sont saints dan& le pays, et tout ce qu’ils font est bien fait. Ils ne s’inquiètent pas de votre religion, si vous ne songez pas à la leur ; mais ce mariage-là n’est pas celui des filles très-honnêtes.

— Bon ! passons à un autre.

— Celui-là est un mariage sérieux. Vous êtes chrétien, et les Cophtes le sont aussi ; il y a des prêtres cophtes qui vous marieront, quoique schismatique, sous la condition de consigner un douaire à la femme, pour le cas où vous divorceriez plus tard.

— C’est très-raisonnable ; mais quel est le douaire ?…