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LES FEMMES DU CAIRE.

— Oh ! cela dépend des conventions. Il faut toujours donner au moins deux cents piastres.

— Cinquante francs ! ma foi, je me marie, et ce n’est pas cher.

— Il y a encore une autre sorte de mariage pour les personnes très-scrupuleuses ; ce sont les bonnes familles. Vous êtes fiancé devant le prêtre cophte, il vous marie selon son rite, et ensuite vous ne pouvez plus divorcer.

— Oh ! mais cela est très-grave : un instant !

— Pardon ; il faut aussi, auparavant, constituer un douaire, pour le cas où vous quitteriez le pays.

— Alors, la femme devient donc libre ?

— Certainement, et vous aussi ; mais, tant que vous restez dans le pays, vous êtes lié.

— Au fond, c’est encore assez juste ; mais quelle est la quatrième sorte de mariage ?

— Celle-là, je ne vous conseille pas d’y penser. On vous marie deux fois : à l’église cophte et au couvent des Franciscains.

— C’est un mariage mixte ?

— Un mariage très-solide ; si vous partez, il vous faut emmener la femme ; elle peut vous suivre partout et vous mettre les enfants sur les bras.

— Alors, c’est fini, on est marié sans rémission ?

— Il y a bien des moyens encore de glisser des nullités dans l’acte… Mais surtout gardez-vous d’une chose, c’est de vous laisser conduire devant le consul !

— Mais, cela, c’est le mariage européen.

— Tout à fait. Vous n’avez qu’une seule ressource alors ; si vous connaissez quelqu’un au consulat, c’est d’obtenir que les bans ne soient pas publiés dans votre pays.

Les connaissances de cet éleveur de vers à soie sur la question des mariages me confondaient, mais il m’apprit qu’on l’avait souvent employé dans ces sortes d’affaires. Il servait de truchement au wékil, qui ne savait que l’arabe. Tous ces détails, du reste, m’intéressaient au dernier point.