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VOYAGE EN ORIENT.

La séance était terminée. On se sépara en causant des diverses péripéties du conte, et nous nous donnâmes rendez-vous pour le lendemain.



III — LE TEMPLE


Le conteur reprit :

Nouvellement rebâtie par le magnifique Soliman, la ville était édifiée sur un plan irréprochable : des rues tirées au cordeau, des maisons carrées toutes semblables, véritables ruches d’un aspect monotone.

— Dans ces belles et larges rues, dit la reine, la bise de mer que rien n’arrête doit balayer les passants comme des brins de paille, et, durant les fortes chaleurs, le soleil, y pénétrant sans obstacle, doit les échauffer à la température des fours. À Mahreb, les rues sont étroites, et, d’une maison à l’autre, des pièces d’étoffe tendues en travers de la voie publique appellent la brise, répandent les ombres sur le sol et entretiennent la fraîcheur.

— C’est au détriment de la symétrie, répondit Soliman. Nous voici arrivés au péristyle de mon nouveau palais ; on a employé treize ans à le construire.

Le palais fut visité et obtint le suffrage de la reine de Saba, qui le trouva riche, commode, original et d’un goût exquis.

— Le plan est sublime, dit-elle, l’ordonnance admirable, et, j’en conviens, le palais de mes aïeux, les Hémiarites, élevé dans le style indien, avec des piliers carrés ornés de figures en guise de chapiteaux, n’approche pas de cette hardiesse ni de cette élégance : votre architecte est un grand artiste.

— C’est moi qui ai tout ordonné et qui défraye les ouvriers, s’écria le roi avec orgueil.

— Mais les devis, qui les a tracés ? quel est le génie qui a si noblement accompli vos desseins ?

— Un certain Adoniram, personnage bizarre et à demi sauvage, qui m’a été envoyé par mon ami le roi des Tyriens.