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Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/201

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LES NUITS DU RAMAZAN.

Il travailla deux cent vingt-quatre ans… Puis tout à coup le pilier rongé fléchit sous le poids du trône, qui s’écroula avec un fracas énorme[1].

Ce fut le ciron qui vainquit Soliman et qui le premier fut instruit de sa mort ; car le roi des rois, précipité sur les dalles, ne se réveilla point.

Alors, les génies humiliés reconnurent leur méprise et recouvrèrent la liberté.

Là finit l’histoire du grand Soliman-Ben-Daoud, dont le récit doit être accueilli avec respect par les vrais croyants, car il est retracé en abrégé de la main sacrée du prophète, au trente-quatrième fatihat du Coran, miroir de sagesse et fontaine de vérité.




Le conteur avait terminé son récit, qui avait duré près de deux semaines. J’ai craint d’en diviser l’intérêt en parlant de ce que j’avais pu observer à Stamboul dans l’intervalle des soirées. Je n’ai pas non plus tenu compte de quelques petites histoires intercalées çà et là, selon l’usage, soit dans les moments où le public n’est pas encore nombreux, soit pour faire diversion à quelques péripéties dramatiques. Les cafedjis font souvent des frais considérables pour s’assurer le concours de tels ou tels narrateurs en réputation. Comme la séance n’est jamais que d’une heure et demie, ceux-ci peuvent paraître dans plu-

  1. Selon les Orientaux, les puissances de la nature n’ont d’action qu’en vertu d’un contrat consenti généralement. C’est l’accord de tous les êtres qui fait le pouvoir d’Allah lui-même. On remarquera le support qui se rencontre entre le ciron triomphant des combinaisons ambitieuses de Salomon et la légende de l’Edda, qui se rapporte à Balder. Odin et Freya avaient de même conjuré tous les êtres, afin qu’ils respectassent la vie de Balder, leur enfant. Ils oublièrent le gui de chêne, et cette humble plante fut cause de la mort du fils des dieux. C’est pourquoi le gui était sacré dans la religion druidique, postérieure à celle des Scandinaves.