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VOYAGE EN ORIENT.

Chez les nasariés, on reconnaît cette même croyance au prophète Élie, lequel revient, à des temps marqués, sous diverses incarnations, et qui, alors, rétablit les principes oblitérés des dogmes. Tout alors est permis à celui qui représente à la fois le prophète et la Divinité. Et, quoique ces fidèles soient obligés généralement à la continence, son caractère divin lui permet de la méconnaître, lorsqu’il s’agit de produire le Madhi ou Messie attendu.

Les processions se font dans les bois, comme chez les béguins d’Europe ; mais il n’y est pas question comme ici d’hommes ou de femmes nus. Seulement, on se retire la nuit dans des temples nommés kaloués, où le service divin se borne à la lecture des livres saints, c’est-à-dire d’une sorte de Bible apocryphe que ces peuples possèdent. Il est très-vrai aussi qu’à un moment de la cérémonie, les lumières s’éteignent, ou se trouvent réduites à une faible lueur ; mais il n’a jamais été prouvé, même en Syrie, qu’il se passât alors des actes condamnables.

Nous avons entendu quelques officiers égyptiens, qui occupaient la Syrie, en 1840, s’exprimer sur ce sujet avec quelque légèreté. Ils prétendaient qu’une fois les lumières éteintes, des scènes fort peu édifiantes se passaient dans le kaloué ; mais il ne faut pas plus se fier à l’esprit ironique des Égyptiens qu’à celui de nos Marseillais qui, se trouvant en rapport avec ces peuples des basses chaînes du Liban, ont attribué aux cérémonies de ce culte un caractère certainement exagéré. Du reste, il est probable que ce culte, passant dans nos pays froids, s’y est épuré, ainsi qu’il est arrivé du christianisme primitif, dont il fut une secte importante.