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Page:Nettement - Études critiques sur le feuilleton-roman, 1re série, 1847.djvu/56

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nous qui méconnaîtrons jamais votre passé, au point de désespérer de votre avenir !

Ce qui arrive aujourd’hui en France est arrivé toutes les fois qu’un idéal digne de cette nation ne lui a pas été offert, ou qu’on lui a offert un idéal indigne d’elle. Quoi de plus voisin, à ne consulter que la distance clironologique, que la Fronde et le règne de Louis XIV ? Quoi de plus éloigné, si l’on considère la distance morale ? Cependant c’est la même nation, la même génération, les mêmes intelligences, le même pays. Qu’y a-t-il donc de différent ? La différence, la voici. Sur ce vestibule du grand siècle, qu’on appelle la Fronde, la France ressemblait à une armée au repos dans laquelle, chaque soldat marchant àsa guise, l’oisiveté des camps produit les fourrageurs et les pillards ; tandis que, lorsque le grand siècle commence, l’appel du tambour et les fanfares de la trompette se sont fait entendre, chacun est à son poste, dans le corps auquel il appartient, et chaque corps occupe son ordre de bataille. Il n’y a plus de fourrageurs, il n’y a plus de pillards ; il y a une armée qui marche à la victoire ; Condé, Turenne, au lieu d’épuiser leur génie l’un contre l’autre dans des luttes civiles, unissent leurs glorieux efforts contre l’Europe ; chacun, dans le siècle, a retrouvé sa place, et le siècle a retrouvé sa route. Voici la différence qui existe entre la France suivant un noble idéal qui marche devant elle, et la France sans idéal, réduite à la vie matérielle ; entre la France en action et la France tombée dans ce repos et dans cette immobilité qui corrompent l’intelligence et les senti-