Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/107

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était destiné. Il reçut donc les ordres, en 1792, des mains d’un évêque insermenté, dans une chambre ; car il fallait se cacher dès lors pour obéir à Dieu, et le refus du serment civil le conduisit plus tard sur un de ces pontons de Rochefort, enfers de mains d’hommes, où ceux qui ne mouraient pas étaient les plus malheureux. Il ne mourut point, et cet esprit délicat, qui joignait à la politesse d’un homme de bonne compagnie un savoir solide, un sens juste, un tour d’intelligence vif et prompt, et cette facilité de pensée et de style qui fait le journaliste, devint, en 1801, un des écrivains les plus utiles et les plus ingénieux du Journal des Débats. Pour les principes littéraires, il était à peu près d’accord avec Geoffroy ; il blâmait le dix-huitième siècle, attaquait sa philosophie, mais sans violence contre les personnes, sans brutalité surtout dans son style. Le style, c’est l’homme : or, M. de Féletz, qui sortait d’une des meilleures familles du Périgord, avait un style qui se sentait de son origine. Il y avait encore un autre point sur lequel M. de Féletz différait essentiellement de Geoffroy : il était royaliste de conviction et de sentiment, et il fut toujours impossible d’obtenir de lui aucun éloge du pouvoir existant. Il profitait du droit qu’on lui laissait d’attaquer les doctrines du dix-huitième siècle, les mauvaises pensées et les mauvaises actions de la révolution ; mais il se montrait résolu à ne point l’acheter par le moindre grain d’encens brûlé sur l’autel de la fortune napoléonienne. Il était sourd aux insinuations, rebelle aux invitations directes.