Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/128

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gens du monde expriment différemment les mêmes pensées sous des régimes différents. L’opposition, qui criait sous la première révolution et devait parler si haut sous la restauration, pouvait à peine murmurer à voix basse sous l’empire, et s’exprimait par sous-entendus. C’était bien un peu le résultat de la différence des hommes, mais beaucoup plus encore le résultat de la différence des temps. Qu’est-ce, au fond, que le type de Don Quichotte, si admirablement saisi par Cervantes ? C’est celui d’un homme dont les paroles et la conduite, fort honnêtes en elles-mêmes ne sont pas de son temps. Don Quichotte, dix siècles plus tôt, se serait appelé Roland, et, en redescendant le cours des temps, à mi-chemin du dix-septième siècle, il se serait appelé Bayard : son véritable tort, c’est d’être un anachronisme héroïque. Il faut donc moins s’étonner de voir Fontanes parler tout autrement, sous l’empire, qu’on ne parlait sous la première révolution et qu’on ne devait parler sous la restauration ; et quand même on trouverait, ce qui est vrai, qu’il a souvent poussé au-delà du nécessaire les concessions de langage, ses actes restent ce qu’ils sont ! le refus de louer, même indirectement le meurtre du duc d’Enghien, le rétablissement imposé au Moniteur de la phrase altérée dans le discours prononcé le lendemain de ce sinistre jour, la réponse aux paroles blessantes jetées par l’empereur sur le corps législatif, à l’occasion de la qualification de représentants de la nation, qui avait été donnée aux membres de cette assemblée par l’impératrice, furent des