Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

léger à croire, et le disposait au scepticisme et à l’incrédulité ; la seconde, c’est que chaque homme devait commencer par faire table rase de toutes ses croyances, de toutes ses idées reçues, et ne croire que ce qu’il s’était démontré à lui-même : dangereuse épreuve et nouvelle source de scepticisme, car là où le démolisseur a détruit, l’architecte ne parvient pas toujours à reconstruire, et il pouvait, il devait arriver que plusieurs des successeurs de Descartes, renouvelant l’épreuve après lui, ne seraient pas plus satisfaits de la base proposée par lui, qu’il ne l’avait été des motifs de certitude dont s’étaient contentés ses devanciers. Cela devait arriver par une raison que M. Royer-Collard indique : Descartes n’avait pas aperçu que son raisonnement n’était point, au fond, un raisonnement. En effet en disant, « Je pense », il affirmait son existence avant d’affirmer sa pensée, puisqu’il commençait par poser en fait sa personne, Je ; c’était donc de son existence qu’il déduisait son existence. Mais il y avait quelque chose de plus : en ne demandant, comme Archimède, qu’un point pour reconstruire l’édifice des certitudes détruites, en se bornant à découvrir une chose qui soit certaine et indubitable, pour servir de base à tout le reste, minimum quid quod sit certum et inconscussum, et en prenant, pour cette chose seule certaine et indubitable, la conscience qu’il avait de sa pensée, il ne vit pas qu’il rompait toutes ses communications avec le monde extérieur et qu’il se mettait dans l’impossibilité de se démontrer à lui-même l’existence de ce