Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/190

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disait avec une défiance prophétique. Cette lettre, document curieux de l’histoire de ce temps, montre à la fois quelle servitude les frères de l’empereur subissaient sur le trône, et de quelle renommée jouissait M. de Bonald par son talent et son caractère[1]. L’en-

  1. Voici ce curieux document historique :

    « Je suis presque toujours malade, quoique jeune ; j’ai des occupations au-dessus de mes forces ; et le seul but d’une vie laborieuse et pénible, c’est pour moi d’être utile à un pays qui m’a été confié, et de laisser à mon fils aîné une carrière plus paisible et plus heureuse à parcourir. C’est en lui que se concentrent toutes mes affections et toutes mes inquiétudes. Son frère aîné est mort dans ce pays ; lui-même n’a été préservé que par un exutoire que j’ai exigé qu’on établît sur un de ses bras, et qu’il conservera jusqu’à sept ans. Il a dans ce moment cinq ans et demi. Il est doué d’une intelligence supérieure à son âge, et il aurait besoin de passer déjà sous la direction de son père, et de quitter les dames qui ont pris soin de lui jusqu’ici, si je pouvais m’y livrer. Malheureusement, je suis très-souvent malade, et le peu de temps que ma santé me laisse disponible est à peine suffisant pour les affaires du pays et les soins pénibles qu’il me donne.

    « Dans cette situation, j’ai pensé souvent sans succès au moyen d’être à côté de mon fils, parfaitement tranquille. Il est confié jusqu’ici à une dame très-respectable que j’estime et que j’aime ; mais malheureusement je m’aperçois que cet enfant a besoin, et un besoin très-pressant, d’être dirigé par un homme. Ce ne sont plus de petits soins qu’il lui faut uniquement, mais une juste direction ; sans cela il ferait son éducation lui-même, c’est-à-dire que son esprit prendrait au hasard des impressions bonnes ou mauvaises, et qu’ensuite il serait très-difficile de le mener sur le bon chemin. Je voudrais qu’il fût homme avant de savoir qu’il est destiné peut-être à commander à ses semblables ; je voudrais que l’expérience des temps et des hommes pût lui servir