Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/191

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fant que Louis Bonaparte, alors roi de Hollande, voulait ainsi confier à M. de Bonald, ce génie profondé-


    réellement, et qu’il reçût, non l’éducation des mots, mais celle des choses.

    « Après avoir cherché partout, j’ai réfléchi, Monsieur, que, sans vous connaître autrement, vous étiez un des hommes que j’estime le plus ; il m’a paru que vos principes étaient conformes à mes sentiments. Vous me pardonnerez donc, Monsieur, si, ayant à choisir quelqu’un à qui je désire donner plus que ma vie, je m’adresse à vous ; c’est le cas de bien choisir. Si donc, Monsieur, le bonheur dont vous jouissez sans doute dans une modeste retraite ne vous a pas rendu insensible au bien que vous pouvez faire, je ne dis pas à moi, à un individu, mais à toute une nation plus estimable encore que malheureuse, et c’est beaucoup dire… acceptez d’être le gouverneur de mon fils. Vous le confier, c’est vous marquer le plus vif désir de gagner votre amitié, et vous montrer tout le cas que je fais d’un homme de bien et éclairé tel que je vous crois. Je vous prie, Monsieur, de faire un petit voyage dans ce pays ; vous devez aisément vous imaginer avec quel plaisir je vous recevrai et, si je ne puis réussir à vous faire accepter l’offre que je vous fais, j’aurai au moins, Monsieur, le plaisir de faire votre connaissance, et de vous exprimer ma satisfaction de trouver en vous l’homme de bien et l’homme éclairé dont je désire l’amitié.

    « Si l’on vous parle de ce pays et de moi, nos malheurs nous donneront sans doute des torts que nous sommes loin de mériter ; on vous dira peut-être que je n’aime que la Hollande, que je ne suis plus Français, que je déteste tous ceux qui se trouvent ou se sont trouvés ici avec moi… Remettez votre jugement sur tout cela, je vous prie, jusqu’au moment où je pourrai me défendre. Vous verrez, Monsieur, qu’attaché par devoir et par inclination à un pays dans lequel je suis venu d’abord malgré moi, j’ai tout bravé pour y remplir des devoirs plus difficiles qu’il n’est possible de se l’imaginer ; tout, jusques à passer pour avoir renié mon pays, et n’être plus Français… Tandis que mon cœur, de-