Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/234

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elle-même, bien plus altérée de repos que de succès, semblait n’être entrée sur notre territoire que pour conquérir cette paix, non moins nécessaire aux peuples coalisés qu’à la France. Ne calomnions pas la génération qui a précédé la nôtre, n’attribuons pas à des motifs bas et honteux, à l’oubli des devoirs du patriotisme, à l’affaiblissement des vertus nationales, les sentiments que cette époque vit éclater. La France n’en pouvait plus de fatigue et d’épuisement ; elle éprouvait, comme un homme hors d’haleine, une sensation de bien-être inexprimable à pouvoir s’arrêter pour respirer et pour étancher le sang de ses blessures. Les populations mises en coupes réglées par la guerre se félicitaient, comme il arrive dans les villes longtemps décimées par la contagion quand le fléau cesse de frapper : les mères, qui s’effrayaient naguère encore de voir grandir leurs fils, se disaient que les enfants qu’elles nourrissaient pourraient vivre. Ajoutez à cela qu’il y avait de secrètes et touchantes harmonies entre ce roi vieilli et valétudinaire qui revenait des terres de l’exil conduit par cette princesse de tant de vertus et de tant de souffrances, la seule de la famille de Louis XVI que le Temple eût rendue vivante, et cette nation épuisée et haletante qui avait besoin d’un régime doux et réparateur. La restauration réunissait donc, au plus haut degré, ce qui fait penser et sentir ; elle remplaçait, par d’autres émotions, les émotions de guerre et de triomphe, sur lesquelles la France était si complètement blasée, que, dans les derniers jours