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en 1790, a vingt-cinq ans, et M. Casimir Delavigne, qui chantait le roi de Rome dès 1813, vient d’atteindre sa vingt et unième année. M. de Béranger a quelques années de plus : il est né en 1780. Il peut se souvenir, il se souvient de la prise de la Bastille ; il a vu les déesses de la liberté sur leur char :

De nos respects, de nos cris d’allégresse
De votre gloire et de votre beauté,
Vous marchiez fière ; oui, vous étiez déesse,

Déesse de la liberté.

Quant à M. Victor Hugo, son passé ne date que de la veille de la restauration. Quoiqu’il ait déjà entendu la voix de la fée[1], il n’est encore en 1815 qu’un enfant de treize ans.

À la même époque, deux jeunes hommes commençaient leur droit à Aix, tous deux sortis de familles sans fortune ; mais, doués de cette vive et puissante intelligence et de cette merveilleuse aptitude au travail qui conduisent à la fortune et à la renommée, ils avaient les yeux fixés sur Paris, où les fortunes s’élèvent et où les renommées se construisent si vite. Le premier de ces deux jeunes hommes s’appelait M. Thiers, le second M. Mignet.

Les noms se pressent devant la mémoire qui les

  1. Mes souvenirs germaient dans mon âme échauffée ;
    J’allais chantant des vers d’une voix étouffée,
    Et ma mère, en secret observant tous mes pas,
    Pleurant et souriant, disait : « C’est une fée

    Qui lui parle et qu’on ne voit pas. »