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turité du malheur. L’époque s’arrêtait sur la route où elle avait marché d’espérance en espérance, et puis de désenchantement en désenchantement ; et, accoudée sur un des innombrables tombeaux qui bordent le chemin, elle se prenait à rêver entre les craintes de l’avenir et les regrets du passé.

Les premières poésies de M. de Lamartine furent le reflet de cet état moral. Chacun reconnut dans cette voix, qui s’élevait si suave, si pénétrante et si pure, le retentissement harmonieux de son propre cœur. On entendait toute une génération se lamenter dans ces Méditations où le doute, ce vautour des intelligences, attaché à son immortelle proie, lui arrachait un cri d’angoisse. Mais si le désespoir de lord Byron regardait la terre, le désenchantement de M. de Lamartine, qui interpelle le sombre poëte de l’Angleterre et cherche à le ramener à Dieu[1], regardait le ciel. Cet enfant des derniers jours du dix-huitième siècle était le poëte du dix-neuvième, et le christianisme apparaissait dans ses vers comme le dénoûment de toutes les incertitudes et la solution de tous les problèmes qui tourmentent la triste humanité. Ses chants de douleur se terminaient par des hymnes, et le scepticisme s’agenouillait et priait à la fin de ses Méditations, en frappant sa poitrine devant Dieu[2].

  1. Qui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie,
    J’aime de tes concerts la suave harmonie,
    Comme j’aime le bruit de la foudre et des vents
    Se mêlant dans l’orage à la voix des torrents.

  2. La Méditation intitulée le Désespoir, et celle qui lui suc-