Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/278

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gue tourmente qui vient de finir par un grand naufrage. Les majestueuses solitudes de la nature, dans le silence desquelles s’élève la voie du poëte, sont comme un asile pour chacun de ces hommes emportés si longtemps dans le tourbillon de cette société agitée. On veut se regarder vivre, sentir que le soleil se lève et que le soleil se couche ; on veut penser, prier, méditer, aimer ; l’homme de fer et de bronze a en vain jeté encore une fois à ce peuple haletant de fatigues et de triomphes la terrible parole, qui fut pendant quatorze ans son histoire : Agis !

Ce n’est pas tout : M. de Lamartine a fait une révolution dans la poésie, une révolution commencée dans la littérature, avec le siècle, par Chateaubriand.

Bossuet, dont le génie s’étendait à tout, avait écrit, dès le dix-septième siècle, on s’en souvient, plusieurs pages remarquables contre le paganisme poétique. Son intelligence, éminemment chrétienne, tout en admirant les grands auteurs du paganisme, dont les œuvres sont comme les monuments de l’esprit humain, ne pouvait admettre que cette religion, qui est la source de toutes les belles et grandes choses, fût ingrate et stérile dès qu’on parlait en vers. Il lui semblait qu’il y avait une contradiction choquante à penser avec des idées chrétiennes et à s’exprimer avec des mots et des images empruntés à la mythologie. Cet éternel Olympe, qui revenait sans cesse sous la plume des versificateurs, ces dieux faunes, ces nymphes bocagères, ces muses, ce Pégase, ce matériel et ce personnel de la théogonie