Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/283

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tième siècle, qui, ramenant peu à peu la littérature dans l’enceinte des villes, donnaient au monde le spectacle d’une poésie qui s’étiolait à la lueur pâle et morte des bougies, M. de Lamartine ramène la poésie au sein de la nature ; il a besoin du grand air, de la vue du ciel, du soleil dans l’éclat de son midi ou dans les magnificences de son couchant. Mais le paysage au milieu duquel il se place n’est point coquet et élégant comme celui de Delille, désert et vide comme celui de Saint-Lambert, misanthropique comme celui de Jean-Jacques, qui haïssait les hommes en pleurant devant la pervenche : c’est un paysage auquel rien ne manque, dans lequel le vent souffle et les eaux murmurent ; un paysage habité par l’homme et rempli par Dieu, vers lequel la nature fait monter un hymne de reconnaissance et d’amour.

Un nouveau sentiment anime ses vers : c’est l’amour chrétien, amour épuré aux feux du spiritualisme, douce harmonie des intelligences, union mystérieuse des âmes. Ne cherchez plus la passion ardente et emportée comme elle l’est dans Catulle, voluptueuse et épicurienne comme elle l’est dans Horace, naïve et soupirant sans cesse ses douleurs et les cruautés de Délie, comme dans l’élégiaque Tibulle. L’amour chrétien a quelque chose de plus noble et de plus élevé ; ses élans ne s’arrêtent pas sur la terre, ils montent vers le ciel. L’amour chrétien devient une prière à deux. Il a de sublimes transports et d’ineffables mélancolies, non pas de ces mélancolies d’Horace qui, spiritualisant