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tauration, à mettre en chansons l’apothéose de Saint-Simon et de Fourier[1].

Du reste, il n’y a rien là qui puisse surprendre ceux qui ont lu ses poésies avec un esprit critique. Béranger n’a-t-il pas chanté la morale du socialisme avant qu’on la prêchât ? Comme poëte érotique, n’a-t-il pas deviné, préparé la femme libre des saint-simoniens, les mœurs du phalanstère, et réhabilité le règne des sens ? Au point de vue politique, n’a-t-il pas détruit le respect de l’autorité religieuse, militaire, judiciaire, gouvernementale, et préparé le règne de l’anarchie, promis par les augures de la science nouvelle comme le dernier mot du progrès ? Au point de vue social, n’a-t-il pas excité le pauvre contre le riche, et tous les rangs inférieurs de la hiérarchie contre les rangs supérieurs ? Il a tous les traits de ces sectaires, jusqu’à leur orgueil. Il faudrait une grande simplicité d’esprit pour se laisser prendre à la modestie étalée dans ses chansons. Il mêle à la morale d’Épicure quelque chose de la philosophie chagrine et insolente de Diogène. Il comptera les trous de son habit avec une simplicité aussi fastueuse que celle du cynique athénien se parant des trous de son manteau. Partout se révèle chez lui une tendance naturelle à regarder la puissance comme un tort, la richesse comme un vice, la naissance comme une infériorité morale ; il parlera tant de l’humilité de son origine, qu’il finira par s’en faire une noblesse ; de son

  1. Dans la chanson intitulée les Fous.