Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/381

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quoique M. de Béranger soit un poëte remarquable par la beauté de forme, et qu’il parle ordinairement cette grande langue française qui met chaque mot à sa place et approprie l’expression à la pensée, la nécessité de ramener le même tour et la même rime l’a souvent condamné à se servir de mots impropres et à introduire, dans ses compositions, des vers de remplissage qui, comme de véritables parasites, s’assoient à une table à laquelle ils ne sont pas conviés ; le refrain a donc été à la fois pour M. de Béranger un bienfaiteur et un tyran. Un certain nombre de ses odes politiques survivront cependant : il faut y joindre plusieurs petites odes mélancoliques comme les hirondelles, le Temps, qui présentent cette perfection de formes et ce sentiment profond des choses humaines, qui promettent la durée à ces petits tableaux, auxquels on demande, comme aux miniatures, un dessin irréprochable et un grand fini d’exécution.

Dans le genre gai, M. de Béranger a un défaut capital : il n’est presque jamais gai. Il ne rit guère que pour montrer ses dents aux prêtres, aux rois, aux juges, aux nobles, aux riches ; il y a toujours une arrière-pensée dans ses éclats de rire, et il n’est jamais assez amoureux de Lisette, de Frétillon ou de Camille, pour oublier de haïr la restauration ou le catholicisme à travers ses amours. On rencontre un autre défaut dans ses poésies légères : elles vont sans cesse heurter l’écueil de la licence. C’est presque toujours aux sens qu’il parle, ce n’est presque jamais au cœur. Le poëte