Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/456

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loppait, dans un style de puriste, une morale aux dogmes puritains que l’officier, obligé de fuir à la hâte Toulouse, à l’époque du Directoire, pour échapper à la vengeance d’une famille offensée, n’avait pas toujours pratiquée. Il savait quelquefois prendre les dehors de la bonhomie ; mais c’était un faux bonhomme. L’amour qu’il affectait pour les classes inférieures de la société n’était, au fond, que l’inimitié qu’il portait aux classes élevées ; il ne s’attendrissait que pour avoir droit de se mettre en colère, et son affection était un moyen détourné de haïr[1]. On aurait pu croire que Voltaire s’était dédoublé pour enfanter ces deux esprits qui eurent tant d’analogie avec le chef du philosophisme, qu’on pourrait les appeler ses miniatures. Au chansonnier, il avait donné cette verve de licence et d’immoralité déployée dans le poëme le plus honteusement célèbre du dix-huitième siècle ; au pamphlétaire, cette âcreté de génie et cette malignité d’intelligence qui étincelle dans tous ses écrits. En effet, Courier pas plus que Béranger, et ces deux écrivains pas plus que Voltaire, n’ont de gaieté dans l’esprit ; ils n’ont que de la malice. Le sourire à demi formé sur leurs

  1. On voit, par sa correspondance, qu’il eut fort à faire avec les paysans de la Touraine quand, après vingt ans, il revint habiter la demeure de son père, et qu’il les mena rudement. Il se plaint de ses voisins qui ont empiété sur ses terres, de ses fermiers qui le payent mal, des marchands de bois qui ne le payent pas, et il se montre, selon ses propres paroles, en homme « décidé à ne pas se laisser manger la laine sur le dos ! »