Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/457

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lèvres se termine par la convulsion de l’ironie ; ils ne rient presque jamais, ils raillent.

Certes, pour que Courier, comme Béranger, ait exercé une influence si grande, il fallait que l’homme littéraire eût une valeur réelle. C’était, en effet, un écrivain habile que cet homme, et il avait rapporté dans notre langue des qualités qui lui étaient particulières dans ce siècle et qu’il devait au commerce des anciens. La trempe de son génie était plutôt antique que moderne ; mais elle était moins romaine que grecque. Il y avait dans sa moquerie un sel cuisant et léger qui venait en droite ligne d’Athènes, et on reconnaissait dans sa manière quelque chose du génie d’Aristophane, marié avec celui de Lucien. Il avait une certaine netteté d’expression, une pureté dans son tour de phrase, une élégance de style, et, dans ses bons moments, un atticisme d’ironie dont les écrivains de son siècle n’approchèrent pas. Peut-être recherchait-il un peu trop curieusement la naïveté des formes et, par éloignement pour l’emphase, tombait-il quelquefois dans l’affectation de la simplicité, en travaillant à rapprocher la langue de notre siècle de celle d’Amyot ; mais cette simplicité était toujours élégante, et le dessin de sa phrase restait correct et gracieux. Il y avait aussi dans le talent de Courier un reflet rabelaisien ; mais c’était Rabelais épuré par le goût et écrivant dans une langue formée, au lieu de pétrir dans ses mains puissantes un chaos plein de couleurs et contenant dans son sein la lumière et la nuit encore confondues.