Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/469

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d’apparence, car je crois que je ne conviens à aucun parti. » Vous reconnaissez ici le même sentiment de sagacité un peu égoïste qui empêcha Béranger et Casimir Delavigne de prendre une part active aux affaires de leur parti et de leur temps. Les clairons sonnent la charge pour tout le monde et ne la fournissent avec personne. Voilà donc Courier en prison. Dans ce temps-là, les prisons politiques étaient une espèce de Capitole où rien ne manquait, ni les visites, ni les dîners, ni les ovations. « Tout le monde est pour moi, écrivait Courier à sa femme. Je puis dire que je suis bien avec le public. L’homme qui a fait de jolies chansons (Béranger) disait l’autre jour : — À la place de M. Courier, je ne donnerais pas ces deux mois de prison pour cent mille francs. » Dans une autre lettre Courier disait à son tour : « Les chansons de Béranger, tirées à dix mille exemplaires, ont été vendues en huit jours. On en fait une autre édition. On lui a ôté sa place ; il s’en moque, il était simple expéditionnaire. Mes drogues se vendent aussi très-bien. » On voit le genre de terreur que les prisons politiques de la restauration inspiraient aux écrivains. Deux mois de captivité étaient un excellent placement. Cela n’empêchait pas de se plaindre tout haut ; mais on riait tout bas, en vendant bien ses drogues, comme parle Paul-Louis.

On ne peut s’empêcher de sourire quand on voit avec quel sérieux l’ancien échappé de l’armée républicaine de Mayence et de l’armée impériale de Wagram se pose en soldat belliqueux, depuis que l’on ne se bat