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TANTE GERTRUDE

Thérèse avait cessé d’insister, mais elle était heureuse de confier ses rêves à Jean Bernard, en qui elle sentait un ami sûr et un bon conseiller.

Ils parlaient souvent de Paule… La jeune fille, avec ce tact qu’elle possédait, avait deviné les sentiments confus du régisseur à l’égard de Mme Wanel. Elle le plaignait et comprenait ce qu’il devait souffrir. Elle aimait profondément la jeune femme, qui était toujours pour elle d’une affectueuse bonté et avait mille attentions délicates ; aussi la défendait-elle hardiment lorsqu’on l’accusait ou qu’on la blâmait en sa présence. Mais elle ne pouvait protester lorsqu’il s’agissait de la frivolité de Paule, de sa coquetterie, de son amour effréné du luxe, du monde et de ses flatteries. Elle était la première à déplorer les excentricités de la jeune veuve, son dédain du « qu’en dira-t-on », cette sorte de défi avec lequel elle bravait l’opinion publique au point de s’afficher dans toute circonstance, en société de n’importe quelles gens ! Ces derniers temps surtout, Paulette semblait prise d’une nouvelle fièvre de plaisirs, de distractions, de fêtes de toutes sortes contre lesquelles Mlle de Neufmoulins criait bien haut.

— Je ne sais vraiment pas sur quelle herbe Paulette a marché, mais depuis qu’elle connaît ce Lanchères, elle ne vit plus que pour le monde I Tout cela finira mal !

Jean Bernard ne disait mot, mais son cœur se serrait au récit des extravagances de la jeune femme… Il n’osait la condamner, ne pouvant la croire coupable ; il la plaignait plutôt… et il souffrait comme il n’avait jamais souffert.