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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/73

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TANTE GERTRUDE


CHAPITRE VII


Depuis huit jours, il n’était bruit dans la petite ville d’Ailly que d’un événement extraordinaire, imprévu, auquel la plupart même n’avaient pas voulu croire d’abord, mais qui, malheureusement, s’était confirmé et ne laissait plus de doute : la ruine complète de Mme Wanel. On avait appris avec une véritable stupeur que de la fortune colossale amassée par le richissime industriel, il restait à peine de quoi vivre à sa veuve, qu’il avait instituée sa légataire universelle.

Un tolle général, suscité surtout par les quelques parents éloignés qui s’étaient trouvés frustrés par la jeune femme, s’éleva bientôt contre celle-ci. On commenta ses folles dépenses, son incapacité, sa recherche des plaisirs, sa vie mondaine ; et ceux mêmes qu’elle avait souvent reçus à sa table, à qui elle avait offert une hospitalité princière, furent les premiers à lui tourner le dos, à lui jeter la pierre sans pitié.

— Elle ne serait plus si fière, cette petite Wanel qui les écrasait de son luxe ! Elle ne les humilierait plus par l’étalage de ses richesses, l’éclat de ses fêtes pour lesquelles elle jetait l’or à pleines mains, sans compter ! Elle ne trônerait plus comme une reine dans ses salons fastueux, entourée de toute cette cour d’adorateurs et de prétendants ! Il lui faudrait quitter ces fameux diamants cités dans tout le pays, se séparer de cette magnifique rivière qui avait coûté plusieurs centaines de mille francs, disait-on, et dont elle aimait à se parer avec un tel orgueil !

Au château de Neufmoulins, ç’avait été bien autre chose ! En apprenant la fatale nouvelle, Mlle Gertrude s’était emportée furieusement contre sa nièce et ne lui avait pas ménagé les reproches les plus désobligeants. Loin de se montrer compatissante, elle l’avait accablée des plus dures paroles.