Page:Nichault - Anatole.djvu/168

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Elle imagina de se composer une manière de vivre qui la mit à l’abri des scènes qu’elle redoutait le plus ; et donnant l’ordre à ses gens de ne laisser entrer chez elle que le commandeur et sa nièce, elle se dit légèrement indisposée, et crut se faire oublier de ceux qui la tourmentaient, en se délivrant de leur présence. Pour se maintenir dans une résolution qui devait lui coûter le plaisir de rencontrer Anatole, il fallait bien trouver quelque dédommagement ; et celui de lui écrire vint tout naturellement à sa pensée. À la veille de faire une longue absence, on est plus confiant ; il semble qu’on n’ait rien à redouter des aveux de sa faiblesse ; l’idée qu’on ne se reverra peut-être jamais, en glaçant l’âme de terreur, la met au-dessus des considérations ordinaires, et ce qu’on dit alors a quelque chose de la solennité d’un dernier adieu. Cependant Valentine ne se laissa point entraîner par le charme d’exprimer ses pensées à celui qui les inspirait toutes. Elle lui parla des chagrins qui l’obligeaient à s’éloigner de sa famille, sans lui laisser soupçonner le secret de madame de Nangis ; et comme elle donna pour raison de son voyage le désir de fuir M. d’Émerange, il est à présumer qu’Anatole fut de son avis, et qu’il trouva la lettre charmante.

M. d’Émerange s’étant déjà présenté plusieurs fois chez madame de Saverny, sans être reçu, devina qu’elle lui avait fait défendre sa porte. Ce procédé le choqua vivement ; il se promit de s’en venger ; et