Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/39

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et déconcerte beaucoup la mine et le ton triste qu’avaient cru devoir prendre ces dames en voyant le maréchal en grand deuil.

Rappelé à son veuvage récent par les compliments d’usage qu’on lui adresse, le maréchal de Belle-Isle s’efforce de voi­ler son contentement sous des phrases de regrets ; mais empressé d’instruire le comte Louis de ce qui l’intéresse, il sort bientôt avec lui, en laissant entendre que l’excès de sa douleur ne lui permet pas de se livrer plus longtemps au plaisir de causer avec ces dames.

— Concevez-vous rien à l’air joyeux de cet homme-là ? dit la duchesse d’Aiguillon ; ne dirait-on pas que la mort vient de le délivrer d’une femme insupportable ? et pourtant nous savons tous que la sienne était un ange de douceur.

— Il est certain, répond madame de Lauraguais, que lui ou ses pleureuses[1] sont bien ridicules, et qu’ils ne vont pas ensemble ; il a pourtant bonne volonté de paraître triste ; c’est quelque espoir ambitieux qui le dérange.

— Mais son fils n’avait pas l’air très-malheureux non plus ; il est vrai qu’il hérite.

— Ah ! madame, s’écria Septimanie, si vous aviez entendu ce qu’il me disait tout à l’heure de sa mère, si vous aviez vu ses larmes en parlant d’elle, vous ne douteriez pas de ses regrets.

— C’est possible, reprit madame d’Aiguillon, mais ces gens-là ont une manière d’être à plaindre qui ferait envie aux plus heureux de la terre.

En disant cela elle entra chez son neveu, madame de Lau­raguais la suivit, et Septimanie courut s’enfermer chez elle pour y savourer à loisir le bonheur de penser à tout ce qu’elle espérait.

  1. On appelait ainsi des parements de batiste mis au bout des manches de l’habit noir en grand deuil.