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rière d’un air prophétique… et votre fille ne vous pardonnera jamais sa mort.

La marquise de Froulay, voyant le peu d’impression que faisaient ces dernières paroles, sortit brusquement, en rejetant la main que le maréchal lui offrait pour la reconduire.


IX

DÉSESPOIR, RÉSIGNATION


Ce n’était pas comme aujourd’hui, où les enfants font leur malheur tout seuls, sans pouvoir en accuser le despotisme des grands parents ; où, libres dans leurs choix, leur inconstance est sans excuse. L’idée de résister à la volonté paternelle n’entrait pas alors dans la tête d’une jeune personne bien élevée. C’était à ses yeux un arrêt du destin, contre lequel toute révolte était vaine ; elle s’y résignait en pleurant, quitte à reconnaître plus tard le bienfait d’une tyrannie qui sauve souvent du remords ou de la misère. Ces nombreuses soumissions filiales offraient peu d’exemples d’un long désespoir, d’une existence à jamais flétrie ; il faut avoir l’âme si forte, si élevée, pour nourrir longtemps la même douleur !

Malheureusement Septimanie possédait une de ces âmes d’élite.

On ne saurait peindre ce qu’elle éprouva en apprenant qu’il fallait renoncer à l’unique pensée qui l’animât depuis sa plus tendre enfance, à ce sentiment qui avait commencé la vie de son cœur, et qu’on ne pouvait en arracher, car il faisait partie de son existence.

— Votre père est brouillé à mort avec le maréchal de Belle-Isle, lui avait dit sa vieille tante, il ne peut plus exister d’alliance entre eux : l’honneur de votre père, tout le défend, et je connais trop l’influence du noble sang qui coule dans vos veines, pour douter que vous ne partagiez les sentiments de votre famille. Je regrette beaucoup que le comte de Gisors soit victime des intrigues de son père ; car c’est un jeune homme