Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/52

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Richelieu, il alla saluer les parents de sa future suivant leur rang et leurs titres ; puis se faisant conduire à mademoiselle de Richelieu par son père, il lui fit un salut plus respectueux encore qu’à tous, et vint se placer auprès d’elle.

Le maréchal, voulant rompre l’ennui de ces sortes de réunions, avait imaginé de faire réciter, par Le Kain, quelques passages de la nouvelle tragédie de Voltaire, l’Orphelin de la Chine. Cette pièce, dédiée au duc de Richelieu, le flattait dans sa prétention au protectorat des lettres ; aussi en avait-il fait soigner et hâter la représentation, quoiqu’elle fût une des moins bonnes de l’auteur ; mais on lisait ceci dans la dédicace : « Permettez donc que, si cette faible tragédie peut durer quelque temps après moi, on sache que l’auteur ne vous a pas été indifférent ; permettez qu’on apprenne que si votre oncle fonda des beaux-arts en France, vous les avez soutenus dans leur décadence. »

Le Kain lisait à merveille ; mais le drame du mariage de mademoiselle de Richelieu intéressait plus que celui des Chinois, et tous les regards se tournèrent involontairement sur le futur, lorsque Le Kain dit ces vers :

Je le puis, je le sais, user de violence ;
Mais quel bonheur honteux, cruel, empoisonné,
D’assujettir un cœur qui ne s’est point donné,
De ne voir en des yeux dont on sent les atteintes
Qu’un nuage de pleurs et d’éternelles craintes,
Et de ne posséder, dans sa funeste ardeur,
Qu’une esclave tremblante à qui l’on fait horreur !

Septimanie seule ne fit pas l’application de ces vers, peu lui importaient les avantages ou les disgrâces du mari qu’on lui imposait ; son avenir n’allait pas jusqu’au jour de la cérémonie. Sa préoccupation n’eut qu’une idée pour objet, mourir ! puisqu’elle ne peut plus vivre pour celui qu’elle aime.

Mais surveillée comme elle l’est, un projet semblable est difficile à exécuter ; elle demande à aller passer une journée à l’abbaye de Montmartre, près de son amie, madame de Vi-