Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/53

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braye : on pense que c’est pour accomplir quelque devoir pieux. Madame Desormes l’accompagne dans cette visite. Mademoi­selle de Richelieu veut se confesser : le directeur ne se fait pas attendre. C’était un homme d’esprit, habitué à lire dans l’âme des jeunes pécheresses, et à interpréter leurs révélations in­nocentes. Il fut frappé des questions que lui adressa Septima­nie, sur les peines réservées au suicide, et plus encore de l’é­loquente chaleur qu’elle mit à prouver que Dieu devait faire grâce aux malheureux auxquels il retirait la force de subir une vie de désespoir.

— Grâce au suicide ! s’écria le prêtre d’une voix formidable ! grâce pour le crime le plus lâche, le plus en horreur à une âme chrétienne ! Ah ! c’est blasphémer la justice du ciel !! Quoi ! Dieu sera descendu lui-même sur terre pour vous don­ner l’exemple de la résignation, dans les plus cruelles injures, dans le plus infâme supplice, et cette leçon divine serait per­due pour nous ! Celui qui, dans sa démence impie, dispose de ses jours, sait-il à quoi ils étaient destinés ? Sait-il si ce déses­poir d’enfant qui le décourage n’est pas une épreuve de la Providence pour le rendre plus digne du bonheur qu’elle lui réserve ? Le malheur, l’obstacle qui cause ce désespoir, Dieu n’est-il pas assez puissant pour le faire disparaître, et nous est-il permis de douter de sa protection, parce que sa sagesse nous éprouve ?

Le prêtre avait deviné l’affreuse pensée de Septimaine, il se garda bien de la combattre seulement par la crainte des tour­ments que l’enfer réserve au suicide ; il savait qu’une âme exal­tée par la douleur sourit à l’idée de changer de supplice, que le désespoir a aussi sa vanité, qui la porte à choisir la plus effroyable torture. Il parla avec dédain des âmes faibles que l’adversité abat, des cœurs égoïstes qui ne savent pas se dis­traire de leurs peines en soulageant celles des autres.

— Si le pauvre qui succombe à la misère n’a pas le droit de hâter sa fin, ajouta-il, est-ce au riche à se l’arroger ? lui à qui ses trésors assurent chaque jour la joie d’une bonne action ? lui à qui la Providence semble avoir remis une partie de son pouvoir, qui n’a qu’un ordre à donner pour rendre au bonheur.