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vive émotion, adresse quelques mots à la comtesse d’Egmont ; elle laisse échapper un cri de joie, veut répéter à madame d’Aiguillon ce qu’on vient de lui dire ; mais, épuisée par l’affreuse contrainte qu’il lui a fallu supporter, par l’effet de la transition subite d’un sentiment à un autre, elle ne peut proférer un mot, sa respiration s’arrête, son visage est baigné de larmes ; elle succombe un moment à son émotion.


XIII

LA PRISE DE MAHON


Au bruit qu’a fait la porte de la loge, ouverte brusquement pendant l’air de madame La Ruette, le parterre s’est retourné et a vu le valet de chambre. À l’émotion visible que ses paroles causent à madame d’Egmont, on a deviné qu’il est le messager de quelque nouvelle importante. On demande à la savoir : les cris, les trépignements redoublent, le spectacle en est interrompu ; alors le duc d’Aiguillon est envoyé par sa mère, pour apprendre aux autorités du théâtre la prise du fort Saint-Philippe. Cette bonne nouvelle se répand aussitôt dans la salle, on crie :

Vive le vainqueur de Mahon ! vive le maréchal de Richelieu !

Tous les spectateurs battent des mains, en regardant madame d’Egmont. L’ivresse est générale.

Le valet de chambre du comte d’Egmont avait pris les de vants, pour prévenir la comtesse que son maître arrivait dans la nuit, chargé des dépêches du maréchal de Richelieu pour le ministre de la guerre ; mais le duc de Fronsac, qui s’était particuliérement distingué au siège du fort, avait obtenu de son père la faveur d’être porteur de la lettre qui instruisait le roi de la victoire remportée par ses troupes.

Arrivé à l’hôtel de Richelieu, sans avoir pris un instant de repos, le duc de Fronsac ne se donne pas même le temps de