Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/81

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par un si doux sourire, de quel affreux désespoir elle remplissait le cœur du comte Louis !

— Ah ! c’est d’aujourd’hui seulement que je la perds, pensait-il en étouffant sa rage. Cette femme que j’avais divinisée ; cette vision céleste a disparu ; je ne vois plus qu’une femme perfide, soumise comme tant d’autres à la plus vile ambition, souriant à l’espoir de sa honte, et fière de se dégrader pour satisfaire le caprice d’un roi. Non, je ne saurais l’aimer encore sans me déshonorer ; le mépris, l’indignation, voilà tout ce qui me reste pour elle !

Absorbé par ses réflexions, le comte de Gisors n’avait point suivi son père lorsqu’il s’était approché de la table de jeu ; madame d’Egmont l’aperçut appuyé sur un pilastre, pâle, abattu, les yeux fixes et sans regard ; à cette vue, un mouvement sympathique la fit tressaillir, elle se sentit dévorée de toute la souffrance qui torturait le cœur du comte Louis. Une puissance invincible l’attirait vers M. de Gisors. Ah ! s’il avait pu lever les yeux sur elle, il eût deviné la pitié qu’inspirait son supplice ; il eût reconnu son erreur !… mais en vain les regards de Septimanie s’arrêtèrent sur lui, il ne les sentît point ; en vain parvenue à se rapprocher de la place où il était en allant saluer la princesse de Marsan, elle prononça quelques mots qui devaient retentir au cœur de Louis, il ne parut pas les avoir entendus ; son attitude resta la même jusqu’au moment où le maréchal de Belle-Isle vint prendre brusquement son bras, en lui montrant que le roi se retirait, et que tous deux devaient le suivre.

Alors le comte Louis, réveillé en sursaut au milieu du plus affreux rêve, aperçut Septimanie devant lui, et se détourna vivement comme si un spectre épouvantable avait frappé ses yeux.

Bientôt, entraîné par son père, il monta en voiture, et tous deux revinrent à Paris.