Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


XV

LA DIPLOMATIE D’UN PÈRE


Le maréchal de Belle-Isle, fatigué de la cérémonie du matin, et prévoyant que le jeu de la reine finirait tard, devait coucher à Versailles ; mais son habileté à profiter des occasions qui ne se retrouvent plus, l’avait déterminé à ne pas quitter son fils dans la disposition d’esprit où tout ce qu’on disait à la cour avait dû le mettre, et à tirer parti de son indignation.

Le tête à tête obligé pendant la route de Versailles à Paris lui parut très-propice à ces projets ; et, comme tous les gens décidés à porter le dernier coup aux malheureux qu’ils plaignent, il avait commencé par ces mots :

— Dieu me garde, mon pauvre ami, de vouloir ajouter à tes peines, mais tu as vu comme tout le monde ce qui s’est passé ce soir ; tu sais à quoi t’en tenir sur les sentiments de cette jeune femme que tu t’obstinais à croire un modèle de pureté, une exception parmi toutes celles que la vanité, l’inconstance perdent tôt ou tard ; eh bien, tu l’as vue provoquer les bonnes grâces du roi comme les moins fières de la cour ; tu l’as vue, exploitant d’avance sa faveur prochaine, demander d’abord un peu afin de tout accorder et de tout obtenir. L’imprudente ne sait pas à quoi elle s’expose ! et l’humiliation d’être aussi tôt quittée que prise nous vengera bien d’une puissance passagère. Ah ! celle de la marquise en a déjoué de plus fortes ; d’ailleurs, le roi est revenu du servage de ces grandes dames-là ; elles sont trop impérieuses, et je ne donne pas un mois à ce caprice royal.

— Ô honte ! s’écria Louis, passer du déshonneur à l’abandon… elle… sacrifiée à une femme perdue…

— Cela étonne ta jeunesse ; ah ! quand tu auras vécu plus d’années à la cour, tu trouveras cela tout simple : mais ce qui t’étonnera d’avantage, c’est qu’au milieu de tant de corrup-