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Page:Nichault - La Comtesse d Egmont.pdf/84

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— Tu crois ton existence à jamais flétrie ? disait-il d’une voix émue ; eh bien, consacre-là à ton vieux père, donne-lui le bonheur de revivre dans tes enfants ; ne repousse pas l’ange consolateur qu’il a choisi pour calmer ta peine. Louis» je t’en conjure, au nom de ta mère !

C’était le premier accent de tendresse que Louis entendait sortir de la bouche de son père ; il devait pénétrer son cœur. Persuader à un malheureux que la vie qu’il déteste est in­dispensable au bonheur d’un autre, c’est un piège où le déses­poir doit se prendre. Louis promit de se résigner à tout ce que voulait son père.

Huit jours après, son contrat de mariage était signé ; et le château de Saint-Ouen s’embellissait de tous les préparatifs ordonnés par le comte de Nivernais pour le mariage de sa fille.


XVI

GENTIL BERNARD


La cour et la ville parlaient déjà hautement du mariage du comte de Gisors avec mademoiselle de Nivernais ; et madame d’Egmont l’ignorait encore. Une nouvelle semblable est un coup mortel que la vengeance elle-même hésite à porter. Septimanie ne voyait intimement qu’un petit nombre de personnes ; celles-là connaissaient trop bien le secret de son cœur pour partager les conjectures dont on s’entretenait à Versailles, et madame d’Egmont remarquait sur leur visage un air d’embarras, de pitié, dont elle cherchait vainement à s’expliquer la cause.

Un homme de lettres fort à la mode alors, et qui, à la recommandation du duc de Coigny, avait été admis dans l’intimité de la famille de Richelieu, l’auteur de l’Art d’Aimery surnommé Gentil Bernard par Voltaire, paraissait seul préoc­cupé du chagrin qui menaçait madame d’Egmont et cepen­dant le poète galant était lui-même fort épris de la comtesse ;