Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/111

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verie, ou plutôt redoubla son attention à écouter tout ce qu’on disait du roi : la conversation des deux jeunes mariés se continua à voix basse pendant qu’ils laissaient partir les princesses et attendaient leur tour. Mais on devinait facilement, à l’esprit de la figure du mari et au mouvement dédaigneux de ses lèvres, de quelle nature étaient les avis qu’il donnait à sa femme, et sur quels exemples il fondait ses menaces. Ces petites scènes, plus communes qu’on ne le supposerait dans le grand monde, ne sont guère profitables qu’à ceux qui les observent, car la femme en est trop humiliée pour jamais les pardonner au mari : eût-il vingt fois raison, il n’obtiendrait pas ce qu’il exige.

Ces mots de danger, de réputation compromise, de déshonneur, comme ils arrivaient par les yeux au cœur de madame de la Tournelle ! comme elle reconnaissait dans l’éloquence jalouse de ce jeune mari tous les reproches qu’elle s’adressait à elle-même sur sa faiblesse !

Ainsi l’événement le plus indifférent en apparence nous fait tomber souvent des hautes régions de l’imagination dans l’abîme du positif. Madame de la Tournelle, rassurée par la soumission du roi, par le respect qu’il montrait pour ses moindres scrupules, s’était vue en idée la divinité d’un culte respectueux et chaste. Les vertus, les bienfaits, les bénédictions semblaient découler de cette source pure ; et ce qu’elle regardait comme l’union de deux âmes sanctifiées par de grands sacrifices ne serait aux yeux du monde qu’un commerce déshonorant, un coupable adultère ! quelle triste pensée !

Rester innocente et braver le mépris ! Son amour lui en donnera-t-il le courage ?



XXI

LE DUC DE RICHELIEU


Le temps était sec, il faisait ce qu’on appelle un beau froid : la chasse fut heureuse : une tente, dressée près de la porte de Beauté, était le lieu du rendez-vous ; mais, malgré