Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/114

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malins prétendent que c’est le duc de Modène qui me vaut cette honorable mission.

— Je n’en serais pas étonnée ; car le roi disait hier que la duchesse de Modène devait passer l’hiver à Paris.

— Et vous croyez tout ce qu’il dit ? demanda M. de Richelieu. Vous avez raison, car il ne vous trompe pas, s’il vous jure que vous lui tournez la tête. Mais qu’est-ce que cela va devenir pendant mon absence ? serez-vous sensible ou inexorable ? vous amuserez-vous à éprouver combien de temps un roi peut filer le parfait amour, et s’immoler à la vertu d’une femme qu’il aime ? enfin, comment retrouverai-je ma chère nièce ? esclave ou maîtresse ?

— Ni l’un ni l’autre, reprit madame de la Tournelle, laissant voir que le ton léger du duc de Richelieu la blessait vivement. Vous retrouverez une amie dévouée aux intérêts du roi, aux vôtres ; qui lui aura fait entendre tout ce qu’un autre genre de liaison apporterait de trouble dans la vie de tous deux, et dont le crédit sera d’autant plus assuré qu’elle ne le devra à rien de blâmable.

— Vous êtes bien assez belle pour faire des miracles, vraiment ; mais, plus celui-là sera surprenant, plus j’en voudrais être témoin ; vous conviendrez que ceci est au nombre des choses qu’il faut voir pour les croire.

— Comment vous faire croire à ce qui est raisonnable, à vous qui plaisantez sans cesse sur la vertu des femmes ?

— Non, ma foi, je n’en plaisante pas, elle m’a souvent donné beaucoup d’humeur ; et ce qui vous étonnera, c’est qu’il n’y a que de mauvais sujets comme moi qui aient une véritable foi dans la sagesse des femmes. Ceux qui vous disent qu’ils n’en trouvent pas de cruelles en ont menti ; je n’étais pas plus mal tourné qu’un autre, ajouta le duc en se regardant au miroir de la cheminée, et j’en ai rencontré plus d’une.

— Ce sont peut-être celles qui vous ont le plus aimé, dit madame de la Tournelle.

— J’en ai quelquefois eu la pensée.

— Eh bien, que ces souvenirs-là vous éclairent et vous prouvent qu’on peut aimer et rester sage.

— Pour m’ôter toute espèce de doute à cet égard, écrivez-moi souvent, et du fond de votre pensée ; vous savez si je suis digne de cette confiance ?