Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/115

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— Je sais que vous gardez toutes vos qualités sérieuses pour l’amitié, et je vous dirais mon secret si j’en avais un, mais, vrai, j’espère n’en pas avoir.

— Si vous saviez comme je suis Inquiet de vous laisser en butte à toutes ces clameurs de cour ! Car vous ne pouvez douter que la démarche d’hier ne soit racontée, commentée et interprétée de toutes les manières, il faut vous préparer à recevoir de mauvais accueils à Versailles.

— On peut les éviter en restant ici.

— Ce serait bien pis, vraiment. Le roi viendrait s’établir tout l’hiver à Vincennes, et la reine en mourrait de chagrin : sans compter que nous serions tous logés indignement. N’allez pas, vraiment, commettre cette imprudence ; votre réputation n’y gagnerait rien, tout au contraire. On ne penserait jamais que le roi se dérangeât ainsi pour être rebuté ; et, comme ce déplacement lui serait au fond peu agréable, il vous en voudrait de lui avoir fait faire une chose qui serait blâmée de tout le inonde ; je suis trop votre ami pour vous la conseiller. Chaque situation, voyez-vous, a ses devoirs particuliers ; le roi vous aime : que ce soit votre faute ou non, vous avez sur son cœur un ascendant d’autant plus grand qu’il a fait de véritables efforts pour s’y soustraire. Eh bien, il faut user de cet ascendant pour imposer à vos ennemis et vous l’aire des partisans ; il faut opposer le calme de la fierté aux mépris affectés, aux injures de l’envie. Rien de tout cela n’est difficile avec une conscience comme la votre. Offrez-leur l’exemple d’un courage jusqu’à présent sans exemple à la cour : montrez-leur une femme jeune, belle, aimée, qui brave les propos méprisants ci les Batteries offensantes, sans mériter ni les uns ni les autres.

C’est avec toute la chaleur d’une vive amitié que M. de Richelieu parlait ainsi à madame de la Tournelle. Il ne lui dissimula aucun des périls, des ennuis qui allaient l’assaillir, pour mieux lui donner les moyens de les surmonter.

— Ah pourquoi me suis-je exposée a tant d’humiliations ! s’écria madame de la Tournelle, les yeux pleins de larmes.

— Vains regrets ! reprit M. de Richelieu, on ne peut empêcher ce qui est. L’important est de ne pas fléchir devant la cabale, car elle vous briserait. L’autorité, l’amour même du roi ne vous sauveraient pas ; car, sans la crainte d’être démentis par un mot de vous à chaque instant du jour, les