Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/139

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— Celui-là est pourtant fort clair, reprit M. de Coigny.

— Eh bien, cela suffit, reprit madame d’Egmont en prenant pitié de toutes les impressions qu’elle lisait sur le visage de madame de la Tournelle, songez qu’on vous attend.

— Que j’en voudrais avoir une pareille ! ou avez-vous acheté cette jolie perruche ?

— On me l’a donnée, répondit madame de la Tournelle d’une voix à peine articulée.

— Eh bien, vous me confierez de qui vous la tenez, n’est-ce pas ? vous êtes fort intéressée à m’en faire avoir une semblable ; car, je vous en préviens, plutôt que de m’en passer, je volerai celle-là.

— Onze heures vont sonner, dit madame d’Egmont à madame de Chevreuse, et, si vous tardez, on croira…

— Allons, je pars. Quel dommage que vous ne veniez pas avec nous ! reprit la duchesse ; cette jolie perruche aurait été du souper, elle nous aurait diverties, et puis cela en aurait fait une de plus.

Quand il fallut se lever pour reconduire ces dames, ainsi que l’usage l’exigeait, madame de la Tournelle sentit que ses jambes tremblaient ; elle fut obligée de s’excuser, et elle retomba presque inanimée sur son fauteuil. Une contrainte si cruelle, si prolongée, après les différentes sensations de cette journée ; l’émotion de l’attente, la frayeur d’un événement qui pouvait la perdre dans l’esprit du roi, avaient épuisé ses forces ; et lorsque mademoiselle Hébert entra pour la déshabiller, elle trouva sa maîtresse dans un profond accablement.

— Madame se trouve mal ! s’écria mademoiselle Hébert ; et elle allait appeler tous les gens de la maison pour avoir du secours, lorsque madame de la Tournelle lui fit signe de se taire, et lui dit d’une voix étoffée.

— Non… c’est un simple étourdissement, je ne suis point malade, dites aux gens qu’ils peuvent se retirer, je n’ai plus besoin d’eux. Vous seule veillerez, mademoiselle Hébert, car j’attends encore quelqu’un ; cette visite doit être ignoré de tout le monde, autrement je serais perdue.

— Vous, madame ! s’écria mademoiselle Hébert, d’un ton qui semblait dire : Qui oserait flétrir une réputation telle que la vôtre ?

— Oui, vous dis-je, on aurait le droit de me juger sévè-