Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/146

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— On en dirait bien davantage si je faisais des folies pour vous rencontrer, ce qui serait inévitable ; et puis, je l’ai toujours remarqué, la méchanceté ne sait que faire de ce qu’on lui livre ; elle ne s’acharne qu’à ce qu’on lui dispute : d’abord on criera au scandale ; puis on dira que je vous aime éperdûment, que vous en êtes flattée, mais pas assez émue pour me faire aucun sacrifice.

— Ingrat ! dit-elle en souriant.

— Eh bien, ils croiront ce qu’ils voudront, reprit le roi en baisant la main de madame de la Tournelle ; pourquoi vivre toujours pour les autres ? Ne verra-t-on pas bientôt qu’une si douce affection ne peut nuire à personne ? Cette manière d’agir sans honte comme sans mystère s’accordait assez avec le caractère loyal et fier de madame de la Tournelle ; elle consentit à recevoir ostensiblement le roi ; cette condescendance lui semblait le prix dû à la discrétion de son amour ; et puis elle se flattait que cet amour pourrait se convertir en amitié par l’habitude de la voir. Le roi était si docile, si modeste, il se contentait de si peu !

Ainsi de tous les piéges de l’amour, le plus dangereux est dans l’abnégation qu’il semble faire de ses désirs.



XXVIII

L’ALARME EST À LA COUR


Le lendemain, un page vint demander de la part du roi si madame de la Tournelle serait visible dans l’après-midi. C’était se faire annoncer d’une manière ostensible, et bientôt tout le château sut que le roi irait le soir chez madame de la Tournelle. La visite qu’elle reçut le matin de madame de Mirepoix et de la duchesse de Brancas, la dispensa de leur écrire ; quant à madame d’Egmont et à madame de Chevreuse, elle leur adressa un billet qui commençait ainsi :

« Le roi m’honorant d’une visite ce soir, je vous prie de venir m’aider à lui faire les honneurs de mon petit salon, etc. » !