Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/162

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un simple éventail d’ivoire où se trouvaient peints par les premiers artistes du temps les portraits de la famille royale. Ces portraits, peints sur ivoire et collés à l’éventail, avaient toute la ressemblance, la finesse des émaux de Petitot[1]. On devine bien qu’un seul frappa les yeux de madame de la Tournelle ; mais qu’elle sut bon gré au roi de l’avoir fait entourer de façon à ce qu’il lui fût permis de le contempler sans cesse !

Le présent le plus riche échut à madame de Mailly : c’était une magnifique agrafe de diamants ; les sots s’y trompèrent, mais les plus malins seuls y virent une distinction très-flatteuse pour madame de la Tournelle, et dont la délicatesse de la comtesse de Mailly aurait le droit de s’offenser.

Avant que le jeu commençât, le roi saisit une occasion de s’approcher sans affectation de madame de la Tournelle, et la pria de l’aider à trouver quelque moyen de prouver au maréchal de Belle-Isle à quel point il était satisfait de sa conduite.

Après les négociations de Francfort et la prise de Prague, le roi avait érigé la terre de Gisors en duché pour reconnaître les services importants du maréchal de Belle-Isle ; il l’avait fait chevalier de l’ordre, et de telles récompenses sont difficiles à surpasser.

— Un mot de votre main, Sire, répondit madame de la Tournelle, serait, j’en suis sûre, de toutes les faveurs la plus grande aux yeux du maréchal.

— Ah ! j’ai déjà chargé le ministre de la guerre de lui écrire de ma part.

— Est-ce donc la même chose, Sire ?

— Ce sera beaucoup mieux, vraiment ; d’Argenson lui tournera ma pensée cent fois mieux que je ne saurais le faire.

— J’en demande pardon à Votre Majesté, mais je nie que cela soit possible, et je ne vois dans cet excès de modestie qu’un peu de paresse…

Puis, levant ses beaux yeux tristement, elle ajouta :

— De la négligence avec des gens qui travaillent tant et si bien pour Votre Majesté !… pour l’honneur de la France !…

  1. Ces éventails, revenus à la mode, sont très-recherchés aujourd’hui.