Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/171

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près de madame de la Tournelle ! que ces fruits sont beaux ! ces fleurs ravissantes !

— M. Duverney me les a envoyés ce matin de Plaisance, répondit madame de la Tournelle.

— C’est un homme excellent, dit le roi, dont le luxe et le bon goût sont à désespérer tous les gentilshommes de France ; mais en vérité, tu dévores, ajouta-t-il en voyant le duc manger la moitié d’un faisan.

— Et pensez-vous donc que je n’aie pas gagné de l’appétit, pendant tout le temps qu’il a plu à Votre Majesté de me faire attendre dans cette mauvaise cour de Marbre ?

— Ah ! tu ne dois plus t’en plaindre.

— Sans doute, et je suis bien récompensé de ma peine ; mais j’ai pour principe de profiter le plus que je peux des bonnes aubaines qui me sont offertes, et je n’en connais pas de meilleurs qu’un souper pareil, en si bonne compagnie.

— Sans témoins importuns, sans serviteurs dont l’œil curieux et critique semble vous épier, dit le roi, on se trouverait heureux d’être ainsi chez la femme la plus insignifiante, jugez de ce que cela est chez vous ! mais cependant il nous manque une amie, je ne vois point Lisette ! où donc est-elle ?

— Lisette ! répéta le duc de Richelieu, qui est cela ?

— C’est une petite bavarde fort jolie, qui dîne et soupe ordinairement avec madame.

— Je vais la faire venir, dit madame de la Tournelle en sonnant Mademoiselle Hébert. Mais, n’allez pas vous amuser à lui tourner la tête, elle est fort coquette ; je vous en avertis.

— Tant mieux, dit le duc, cela abrège bien des formalités : mais cette Lisette, c’est donc une nouvelle connaissance ? jamais je n’ai vu chez vous personne qui portât ce petit nom.

— C’est une filleule du roi, il l’a nommée ainsi.

À ces mots madame de la Tournelle et le roi sourirent en voyant le soin que prenait M. de Richelieu pour rajuster sa coiffure endommagée par la perruque, et son jabot froissé par la grosse redingote ; tout cela dans la crainte de paraître à son désavantage aux yeux de cette charmante Lisette qu’il était impatient de voir et de séduire.