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XXXV

UN VOYAGE DE CHOISY


Malgré l’empire que le roi savait si bien prendre sur lui-même, on s’aperçut de l’état violent où il se trouvait. Jamais il ne s’était montré plus sévère ; ses propositions, sa manière d’écouter, de discuter au conseil, ses décisions, tout décelait la mauvaise humeur qui le dominait ; enfin tant d’agitations concentrées le rendirent malade. Il fut obligé de garder le lit deux jours. Pendant ce temps, ses médecins et Lebel eurent seuls la permission d’entrer dans sa chambre, car il craignait de parler de l’affreuse jalousie qui enflammait son sang, et redoutait l’indiscrétion d’un délire de fièvre. Honteux de ne pouvoir surmonter un sentiment si humble, il ne voulait pas qu’on soupçonnât ce qu’il avait éprouvé en apprenant la visite de M. d’Agénois chez madame de la Tournelle.

Le duc de Richelieu, se voyant exclu comme les autres de la chambre du roi, en conclut facilement qu’il ne lui pardonnait pas d’avoir retenu son neveu à Versailles. Il eut grand soin de dire à Lebel, comme par hasard, que la blessure du duc d’Agénois s’étant rouverte, il était hors d’état de sortir de sa chambre et par conséquent de retourner à Paris ; puis il questionna indirectement Lebel pour savoir quelque chose de ce qui se passait entre le roi et madame de la Tournelle ; mais, soit ignorance ou discrétion, Lebel répondit qu’il n’en savait rien.

Le roi est malade : ces mots, répétés de bouche en bouche, arrivèrent bientôt à madame de la Tournelle et la plongèrent dans une inquiétude qui tenait de la folie ; elle écrivit aussitôt au premier médecin du roi pour savoir des nouvelles positives. Celui-ci, craignant de compromettre sa science, répondit d’une manière vague qui fut interprétée de façon à redoubler les craintes de madame de la Tournelle. Enfin, pleurant, s’accusant des souffrance ? du roi, elle s’était ren-