Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/193

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du château : C’est le roi, pensa-t-elle, et son émotion devint si vive qu’elle fut obligée de s’asseoir. On acheva de l’habiller sans qu’elle y prît garde ; mais sa taille était si belle, et sa robe si bien faite pour sa taille ; il y avait tant d’harmonie entre le brillant du satin et l’éclat de sa peau ; son col gracieux, ses épaules si blanches, gagnaient tant à n’être point cachés sous un riche collier, que mademoiselle Hébert fut obligée de convenir que jamais sa maîtresse n’avait été plus à son avantage.

— Voici le roi de retour, vint dire madame de Flavacourt à sa sœur ; le comte de Noailles, que je viens de rencontrer, prétend que la chasse n’a pas été bonne ; M. de Guerchy est tombé de cheval, sans se blesser pourtant, enfin le roi les a fait tous courir impitoyablement ; ils se sont fatigués et fort peu amusés, à ce qu’il paraît : j’ai peur que la soirée ne s’en ressente. Madame de Ruffec m’a prévenue que, malgré l’extrême liberté qu’on a la prétention d’établir ici, il faut que le roi nous trouve toutes dans le grand salon, quand il sortira de ses appartements, après s’être habillé : c’est l’usage, il cause quelques moments avant le dîner, la chasse fait les frais de la conversation, puis les plaisirs de la soirée commencent, et c’est alors seulement qu’on peut juger du séjour de Choisy.

— Me voilà prête, descendons, dit madame de la Tournelle.

Et elle suivit madame de Flavacourt en tremblant, car elle redoutait également les reproches ou le silence du roi. On eût dit que chacun partageait son agitation, tant on était impatient de surprendre le premier regard ou le premier mot que le roi lui adresserait.

Les portes de son appartement s’ouvrirent ; il parut enfin, salua d’abord la princesse de la Roche-sur-Yon et les duchesses d’Antin et de Ruffec, demanda aux autres comment elles se portaient, et dit à madame de la Tournelle :

— On ne saurait s’inquiéter de votre santé, madame, car on se porte toujours bien quand on est aussi belle.

Et pourtant elle souffrait le martyre.

Lorsque le roi avait commandé le voyage de Choisy, lui-même avait composé la liste, assigné les places, et présidé à l’ordre des plaisirs qui devaient se succéder pendant le séjour. Le marquis de Meuse et le gouverneur s’étaient appliqués à remplir leurs instructions, et il n’était plus temps