Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/206

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LE MARQUIS DE JUMILHAC.

J’avoue que la conduite de madame de la Tournelle me confond ; mettre toutes les prudes contre elle, et n’avoir point les avantages de sa position apparente, c’est déplorable.

LE MARQUIS DE CROISSY.

Un fait certain, c’est que le voyage a été uniquement arrangé pour madame de la Tournelle ; qu’on a eu beaucoup de peine à la décider à en être, et cependant le roi était de bien mauvaise humeur hier matin ; j’ai cru qu’il se romprait le col dix fois en galopant comme un fou à travers les taillis, en sautant des fossés, en faisant caracoler son cheval d’une manière effrayante. Ah ! la vie ne l’amusait pas hier, je vous l’assure, il avait trop envie de la risquer.

LE COMTE DE COIGNY.

Nous sommes tous ainsi quand nos amours vont mal.

LE VICOMTE DE ROHAN.

Le croyez-vous fort amoureux ? moi j’en doute ; il prend goût aux affaires ; d’Àrgenson prétend qu’on ne peut plus lui rien faire signer de confiance ; qu’il passe des heures à lire la correspondance, à s’instruire de beaucoup de choses auxquelles il n’a jamais pensé, tout cela ne s’accorde pas avec les langueurs de l’amour.

LE DUC D’AYEN.

Erreur : il est sous l’influence d’une ambition féminine qui lui commande la gloire ; et le désir de plaire triomphe seul de sa paresse. Ces maudites femmes ont un empire sur nous !… ce n’est pas que nous autres, gens d’épée, nous ayons rien à craindre de celui que madame de la Tournelle peut prendre ; elle aime l’éclat, les grandeurs, la renommée : et je parierais bien que, si son règne s’établit, grâce à elle nous verrons avant un an le roi à la tête de ses armées.

LE DUC D’AYEN.

Et que dirait, bon Dieu, le cardinal ?

LE DUC D’AYEN.

Bon ! il ne sera plus là pour nous contrarier.

LE DUC GÈVRES.

Qu’importe ! sa cabale ne mourra pas avec lui, et vous verrez ce qu’elle tentera pour empêcher le pouvoir de revenir