Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/213

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Les cris de vive le roi partent de tous côtés ; les chapeaux, sautent en l’air, les enfants se battent à qui viendra baiser les pans de l’habit de Louis XV ; c’est un délire général ; on embrasse Marianne, qui bénit le roi, lui parle comme à Dieu, et lui promet le bonheur éternel pour prix de ses bienfaits et de sa miséricorde.

Cette joie s’augmente encore par l’argent que le roi fait remettre au curé pour les pauvres du village ; il veut consacrer ce jour par un souvenir, il fonde une messe et des prix qui doivent être gagnés chaque année à pareil jour ; une somme est allouée pour les frais de la danse ; cette fête doit s’appeler la fête de Marianne.

En entendant donner cet ordre, madame de la Tournelle presse le bras du roi, et lui fait sentir à quel point son cœur bat de reconnaissance.

— Qu’elle fait bien de se nommer ainsi, dit Louis XV en montrant Marianne.

— Comment ne pas chérir celui qui se fait tant adorer ! répond madame de la Tournelle.

— Le grand mérite vraiment d’être bon quand on est si heureux ! Alors, regardant madame de la Tournelle, il voit ses yeux remplis de larmes. Celles-là, je vous les pardonne, ajoute le roi, mais plus de regrets… n’est-ce pas ?… la Providence ne regrette point la vie, le bonheur qu’elle nous donne… et Marianne est ma Providence aujourd’hui…

Un doux regard répond seul à cette douce prière.

On remonte en voiture : arrivés sur les bords de la Seine. le temps s est refroidi, le vent souffle, de gros nuages menaceni de pluie, les plus prudents proposent de rester dans les carrosses pendant qu’ils passeront le bac ; les femmes s’y refusent ; elles se flattent qu’elles auront le temps de gagner l’autre rive avant que la pluie ne commence ; on descend dans la barque du roi ; mais a peine a-t-elle quille le port (pie la nuée crève, et que l’eau tombe par torrents.

L’inquiétude trahit tous les secrets du cœur. En voyant madame de la Tournelle exposée a subir ce mauvais temps, le roi ôte son manteau, le jette sur elle, entoure ses jolis pieds de toutes les fourrures qu’il rencontre, pendant que les mariniers cherchent à dresser la tente de coutil qui est roulée dans le fond de la barque.

La princesse, les duchesses sont livrées aux soins des