Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/229

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jure que d’en douter ; combien je vous remercie, cher oncle, de me donner les moyens de réparer cet oubli, ajouta-t-elle en serrant affectueusement la main de M. de Richelieu.

— Vous seule pouviez en parler au roi ; je n’ai pas hésité à vous…

— Ah ! n’hésitez jamais à m’éclairer sur le mal à réparer et sur le bien à faire. Vous savez si j’ai résisté à l’attrait d’un pouvoir qu’il me fallait payer si cher. Hélas ! j’espérais… je m’étais flattée… mais non, ajouta-t-elle avec passion, non je ne saurais me repentir d’avoir tout sacrifié à l’être le meilleur, le plus adorable. Que m’importent aujourd’hui le blâme, les mépris du monde, son amour a vaincu jusqu’à mes remords, c’est lui seul que je veux voir honorer et bénir, lui que je rêve grand, victorieux, digne des adorations de la France. Je le vois au retour de l’armée, accueilli par des acclamations d’amour et de joie ; ses chevaux sont dételés, c’est le peuple lui-même qui le traîne des portes de la ville aux portes de son palais, tout retentit des cris de Vive le roi ! et moi, esclave heureuse et fière, je le suis dans la foule, je l’admire, je l’adore avec tous, et mon cœur ravi s’enivre de son triomphe. Ah ! mon ami, quel beau jour ! et qu’il y a d’orgueil, de bonheur à le prédire !…

— Oui, vous serez son bon ange et celui de la France, s’écria le duc ému par l’expression d’un amour si noble ; je l’avais prédit, j’appelais de tous mes vœux le moment où une femme telle que vous s’emparerait de son cœur, et pourtant je me serais bien gardé d’influer sur votre détermination, c’était prendre une trop grande responsabilité ; mais aujourd’hui que votre sort est fixé, il faut en assurer, par tous les moyens possibles, le bonheur et la durée. Je sais d’avance tout ce qu’on va tenter contre vous, ne vous effrayez ni des clameurs, ni des sourdes menées des gens intéressés à vous perdre ; je serai là pour les faire taire et les déjouer : il faut bien que l’envie s’exhale, car ne vous flattez pas d’obtenir du roi la permission de vivre modestement ici ; il est trop fier de vous pour ne pas vous élever au rang des femmes titrées, pour ne pas monter votre maison à l’égal de celles des princesses ; c’est alors que la rage des ennemis agira ; c’est alors que mon dévouement vous sera bon à quelque chose.

En cet instant on remit à madame de la Tournelle un bil-